Un contrat de
mariage passé devant la Juridiction de Corlay en 1664.
Dans
l'étude du notaire(1)
1- Le couple devant
le notaire
Au stade économique,
le passage devant notaire est une nécessité de tous les instants dans une société
rurale où les rapports sont presque toujours des rapports de force. Que l'on
donne ou que l'on reçoive, c'est toujours une sécurité que de codifier une
transaction devant notaire, ne serait-ce que pour savoir où l'on est dans ses
comptes. Le contrat de mariage est souvent l'acte décisif de la formation matérielle
du couple, ainsi que l'acte civil notarial par excellence;
" ...alors que la
plupart des couples passent devant notaire dans la capitale, alors qu'à Nantes
la fréquentation notariale n'excède pas dans le meilleur des cas, le tiers des
couples....." (2)
Cette faible fréquentation
n'est nullement l'apanage des seules catégories populaires car très souvent
les grandes familles jugent inutile de passer devant notaire, prouvant là, une
forme générale et usuelle de dissimulation fiscale. De tous les actes notariés,
le contrat de mariage est aujourd'hui le plus familier aux historiens et curieux
de la société française de l'Ancien Régime. Utilisé tout d'abord, pour
reconstituer les hiérarchies sociales, à partir de l'échelle des apports
dotaux, considéré comme un indice des fortunes et des patrimoines des
familles, ils y ont vu une source pour l'étude des structures familiales, comme
un moyen pour mieux connaître les migrations et les niveaux culturels des
futurs époux et de leurs parents. Pour les chercheurs amateurs, la
documentation notariale est peu utilisée, pourtant elle constitue un grand
capital archivistique de l'Ancien Régime qui n'est dépassé que par les
archives judiciaires. Sur le plan qualitatif, leur supériorité est encore plus
grande. Alors que les procès devant les juridictions relèvent d'abord, même
dans une société de violence, de l'anormal, voire du marginal. La
documentation notariale porte pour l'essentiel sur le quotidien, sur l'acte de
tous les jours et présente toujours une coupe à travers toute l'épaisseur de
la société. Ceci nous a conduit, lorsque M. Jean Le Tallec au cours de ses
recherches a découvert ce document intéressant dans la série B des Archives Départementales
des Côtes d'Armor(3 ), à l'étudier et à le publier en collaboration.
Ce contrat de mariage,
rédigé par Maître Jan Le Dorven, notaire à Plusquellec, sous forme d'expédition
ou grosse(4 ), est divisé en trois parties:
- La première est le
contrat proprement dit, fait à Plussulien le 6 octobre 1664, chez Jean Le Bail,
notaire à la Cour de Corlay.
-La seconde traite de
la ratification et du cautionnement du contrat par six témoins réunis à
Plusquellec le 19 octobre 1664.
- La dernière partie décrit
le renforcement du cautionnement précédent par un témoin supplémentaire et
signé à Callac le 22 octobre 1664.
2. - Le contrat de
mariage.
Le 6 octobre 1664,
devant le Jean Le Bail, notaire de la Cour de Corlay, comparaissent Jan Guézennec
et son fils Jérôme, demeurant tous deux au village de Kerdiriou en la paroisse
de Plusquellec d'une part et de Maître Guillaume Prigent et sa femme Jacquine
Keranterff, sieur et dame du Pelven, demeurant tous les deux en la paroisse de
Plussulien d'autre part. Jacquine Keranterff est mère et tutrice de Mathurine
Chevance, fille unique et seule héritière d'un premier mariage avec Sylvestre
Chevance à présent décédé, (+Plussulien ca. 1650/1651). Tout ce monde est réuni
pour préparer le mariage de Jérôme Guézennec avec Mathurine Chevance.
"...lesquels pour
parvenir au mariage d'entre le dit Hiérosme Guézenec et la dite Mathurine
Chevance, sa prestandue fiancée, ont faict s'accorder les conditions cy-après
moyennant l'advict et le consentement des parentzs de la d. mineure, décrêtée
d'authorité de justice(5), de sorte qu'il a été recogneu que la d. mineure
est seule et unique à succéder en premier lieu de la succession de son d. feu
père et de celle en eschoire(6) de sa d. mère, en un premier valloir la somme
de dix mil livres le cas eschéant et partant que le d. Jan Guézenec, père du
d. Hiérosme affin qu'ils puissent faire communité(7) ensemble, a lieu de faire
et bailler dot à son filzs Hiérosme ou assietté(8) jusques à la concurance
du débit en propre de la d. Mathurine Chevance avecq assietté du reliquat de
son compte qui sont réputé son propre immobilier tout ainsy que ceux luy
eschera et à eschoire et dont elle fera récompense en cas de déçoir sans
hoirs(9) de corps sur les biens tant invisibles qu'immobiliers despandans des
successions tant dudict Guezenec que celle d'honorable femme Jacquette Le Dot,
sa compaigne, qui ratiffiera ceste dans le mois , apaine de nullité et apaine
de tous les despandz, dommages, miscriptures, lesquelz biens meubles et
immeubles demeurent dès aprésant affectés et hypothéqués en cas dudict
consantement et décret de justice à la restitution didict attouchelent et en
faveur et considération dudict futur mariage.
Le d; Jan Guézenec,
avec les mesmes promesses que devant promettant la d. assietté serve avecq la
d. ratiffication, a promis de bailler à son d. filz la somme de trois centz
livres thournoises de rante annuelle par chaque an et à chaque Sainct Michel
commançantz à la Sainct Michel prochaisne venante et finissante apareil jour,
et ainsy continuer à prendre la d. somme de trois centz livres thournoises(10)
de rante annuelle dessus le lieu de Lanec sittué en la paroisse de
Mezle-Carhaix et au village de Querannou en la paroisse de Plusquellec qu'ils
affirment valloir et monter à la d. somme...."
Voilà donc résumé en
quelques lignes, l'essentiel du contrat où surgissent çà et là les termes clés
et que tout lecteur peut, sans trop de difficultés, appréhender les subtilités
du jargon de la basoche du XVII° siècle. Nous voyons là que la "prestandue
fiancée", Mathurine Chevance, présente au milieu du règne de Louis
XIV, un parti tout à fait honorable. Il parait évident qu'au moment d'un
mariage, les familles peuvent, par désir de gloriole, être tentées de surévaluer
les dots. Cette pratique est usuelle; combien de dots sont, certes estimées en
capital, mais payables en réalité en termes égaux de six mois en six mois.
Pour se donner un ordre de grandeur, rappelons que dans l'étude d'un certain Maître
Jehan Bernard, notaire en 1640 à Taluyers près de Lyon, le volume global des
transactions pour la décennie 1610/1620 atteint le chiffre de 10.000 à 15.000
livres tournois par an, sans jamais atteindre le plafond des 20.000 livres(11).
D'autre part, concernant la rente annuelle de trois cent livres due par Jan Guézennec,
propriétaire de la terre de Lannec en Maël-Carhaix et de Kerannou(?) en
Plusquellec, rappelons également que le 15 juin 1680, le fermier de Madame de Sévigné
vient lui régler son fermage se montant à la somme de trente livres en
tout(12).
Puis le contrat se
poursuit de la sorte:
" ... et les d.
choses accomplies de la part du d. Guézenec a la valleur que devant, les
parentz ouis comme y est la d. Queranterff(13) et son d. mary consentant de leur
cheff que le présent mariage porte son plain et entier effect, conditionné
entre parties que le d. Guézenec cauptionnera de personnes solvables et de
facile convention la restitution du débit en compte de la d. Mathurine Chevance
mineure et de faire valloir le droit de son prestandu fiancé à la concurance
de la somme cy-dessus......
"..au d. cas de déçoir
sans hoirs de corps la d. Chevance aura la somme de centz livres thournoises de
douaire (14) sur leurs biens cy-joints"
Nous nous sommes posé
bien des questions sur ces deux familles de paysans aisés, sachant lire, signer
et comprendre la langue des clercs. Ce contrat, bien sûr, représente un cas
d'espèce et ne vient en aucune sorte contredire les remarques de Jean Meyer(15.
"...le cas breton
est celui d'une société à acculturation faible à l'écrit, où l'alphabétisation
est retardataire et géographiquement irrégulière...."
Reste également posées
plusieurs énigmes, comme celle de la mise en relation et de la rencontre de ces
deux familles, de leur relatif éloignement géographique; Plusquellec étant
distant de Plussulien de 40 kilomètres environ, ce qui suppose pour une simple
rencontre, une durée de voyage d'une bonne journée par des chemins précaires
et boueux. Ce contrat, rédigé dans la langue juridique de l'époque, comprend
bien sûr de nombreuses clauses dont l'une porte sur la fécondité du futur
mariage:
"...en cas de déçoir
sans hoirs de corps..." ainsi que la recherche par le père du fiancé, Jan
Guézennec, de : "..personnes solvables et de facile convention..."
afin de cautionner le contrat de mariage. La première partie se termine ainsi:
"...en maire forme
de contrat de mariage, obligation, liaison, renonciation, serment fut faicte et
consentye au d. bourg de Plussulien au tablier(16) du Bail, nottaire. Soulz les
signes faicts Guézenec et Prigent, chacun pour son respect et Jan Henry pour la
d. Queranterff laquelle a affirmé ne sçavoir signer.
Le d. jour sixième
d'octobre mil six centz soixante et quatre apprès midy ainsi signé en
l'original. J:
GuezenecC, Hier. Guezenec, G: Prigent, J:
Henry, Jan Le Denmat, nottaire, Jan Le Bail, nottaire.
Voici donc cités les
principaux témoins du contrat de mariage: Jan Guézennec et son fils Jérosme
accompagné de Maître Jan Le Denmat, tous trois de la paroisse de Plusquellec;
puis, Guillaume Prigent, hôte de Plussulien, accompagné de son épouse
Jacquine Keranterff et de son parent ou ami Jan Henry qui signe pour Jacquine,
la mère de la fiancée. Les deux parties étant réunies en l'étude de Maître
Jan Le Bail, notaire à la Cour de Corlay.Nous verrons par la suite le rôle
primordial du nombre des témoins dans l'établissement de ce type d'acte.
Terminons d'examiner la fin de ce contrat:
"...collationné
fidellement autre copie signée: J:Le Bail, nottaire mis entre les mains du
soubsignant raporteur de la ratification et cauptionnement cy-après pour y
avoir recours. Le vingt et quatrième octobre avant midy mil six centz soixante
et quatre...
Jan Le Dorven, notaire.
Jan Le Dorven, notaire
à Plusquellec recopie l'acte rédigé par Maître Jan Le Bail le 6 octobre 1664
et devient ainsi l'officier(17) chargé de la ratification et du cautionnement.
2-Ratification et
cautionnement du contrat
Donc treize jours après
la signature de l'acte passé devant la Cour de Corlay, Maître Jan Le Dorven réunit
le 19 octobre 1664 à Plusquellec le ban et l'arrière-ban de la famille Guézennec:
"...honorables
gentz sire Jan Guézenec et Jacquette Le Dot, sa compaigne espouse, demeurant au
lieu de Querdiriou en la paroisse de Plusquellec lesquelz pour parvenir à l'exécution
et encherinance(?) du contrat de mariage, pointz et conditions y rapportés et
icelluy exécutant et accomplissant entre Maître Hiérosme Guézenec leur filz
et Honorable fille Mathurine Chevance, fille du deffunct Honorable Homme
Sylvestre Chevance de son mariage avecq Honorable Femme Jacquine Queranterff,
ses père et mère gré et passé par la juridiction de Corlay le sixième
octobre présant mois entre les d. Jan et Hiérosme Guézenec d'une part et
honnorables gentz Maître Guillaume Prigent et la d. Queranterff aprésent sa
compaigne espouse en secondes nopces , sieur et dame du Pelven et icelle
Queranterff, mère et tutrice de la d. Chevance, sa fille. Signé par coppie sur
papier J: Le Bail, nottaire refférant.
Après ce rappel du
contrat passé le 6 octobre, Maître Jan Le Dorven a:
"...aussy faict
comparaître en leurs personnes honnorables gentz Maîstre Jan Le Parcheminer
demeurant au village de Runhervy, Maîstre Claude Le Maître demeurant au lieu
de Querbouzard, Guillaume Rabé demeurant au village de Querhuellan, Pierre Le
Dot demeurant au village de Quervéguant, Jan Cottonnec le Vieil demeurant au
village de Resglas et Louis Gueguen demeurant au village de la Haute-Boissière
le tout en la paroisse de Plusquellec...."
Devant cette assemblée,
Maître Jan Le Dorven fait lecture des termes, et conditions du contrat de
mariage:
"... tant en
langue françoise que bretonne..."
Puis s'adressant à
Jacquette Le Dot, l'épouse de Jan Guézennec et mére de Jérosme, afin de lui
demander son approbation du texte lu, celle-ci lui répond en sa langue
bretonne:
"...estre telz que
par iceux droitz, femme marié ne se peult vallidement obliger pour son autruy
et nottamant pour son mary sans y avoir renoncé et en faict elle renonce mesme
par arrest et hostage des personnes desditz Guézenec principal obligé,
Parcheminer, Maistre, Rabé, Dot, Cottonnec et Gueguen.(18)....."
Ce qui signifie assez
cruellement que la parole et la promesse d'une femme mariée ne présentent que
peu de valeur dans le contexte de l'époque. Les comparants approuvent et
cautionnent sur leurs biens propres le présent contrat. Jan Guézennec, Maître
Jan Le Parcheminer et Maître Claude Le Maîstre signent en l'original. Les dits
Dot, Rabé, Cottonnec et Guéguen ne sachant signer, Maître Jan Le Dorven
requiert: Messire Jérosme Du Pontho, seigneur de Coatleau, signe pour Jacquette
Le Dot, Maître Jan de la Rochehuon pour Pierre Le Dot, Ecuyer Allain de
Champagné pour Guillaume Rabé, Maître Jan Thomas pour Louis Gueguen, Maître
Yves Léannet pour Jan Cottonnec le Vieil.
"...le dict gré
princt au bourg de Plusquellec près le cimetière hors Terre Saincte le ditz
jour. G: HAMON, nottaire et J: LE DORVEN, autre nottaire registrateur "
3-Renforcement du
cautionnement
Le
cautionnement des
notables de Plusquellec était-il insuffisant ou bien l'un des témoins
pressenti n'avait pu se présenter le 19 octobre 1664 pour que Maître
Jan Le
Dorven organise une nouvelle réunion le 22 octobre, cette fois en la
ville de
Callac? Le document reste muet à ce sujet et voici qu'apparaît Yves
Laizet du
village de Kerhouallet en la paroisse de Maël-Carhaix, convoqué
lui-aussi afin
de renforcer le cautionnement du présent contrat. Ce dernier personnage
est-il
un parent, un ami? En tout cas une relation proche, attendu que Jan
Guézennec
possède dans la même paroisse la terre de Lanec à environ une lieue de
Kerhouallet, domicile d'Yves Laizet. Jan Le Dorven, dans les mêmes
termes que
trois jours plutôt à Plusquellec, présente devant Jan Guézennec et Yves
Laizet les tenants et les aboutissants du contrat de mariage.
"...auquel apprès
avoir faict lecture et donné à entendre en son language vulgaire(19) breton la
teneur , effect, substance et conséquence tant dudict contrat subdaté que de
la ratiffication et cauptionnement du dix neuffième du courantt cy-descript
austres partz de mot en mot s'il joinct en autre, s'est volontairement mis et
constitué en renforçant le dict cauptionnemnt cy-devant dabté et par ceste se
met et continue à plaige(20) et cauption du d. Guézenec pour l''exécution,
encherinance(?) et accomplissement de tous les points et conditions que par le
d. contrat du d. mariage...
L'acte se termine par
l'apposition des signatures/
"...a le d. Guézenec
signé pour son regard et pour le d. Laizet affirmant invatoirement(21) ne sçavoir
signer, a requis et prie de signer à la requête Maîstre Jan de la Rochehuon.
Le d. gré princt en lestude du Sieur de Querlossouarn chez Jan Hérissé en la
ville de Callac, les d. jour et an que devant ainsy signé; J:Guézenec, Jan de
la Rochehuon, G: Hamon, nottaire et J: Le Dorven autre nottaire registrateur.
J: Le Dorven. Ntre
Délivré tout ce que
essuer(?) au d. Maîstre Hiérosme Guézenec a lui valloir et ferme ainsy qu'il
appartiendra ce jour vingt et quatrième octobre mil six cent soixante et
quatre.
Comme il apparaît dans
la dernière partie du texte, Jan Le Dorven a rédigé ce document le 24 octobre
1664. Celui-ci comporte douze pages, et est remarquablement calligraphié, sans
trop d'abréviations, dons lisible par tout un chacun. Il eut été intéressant
de le confronter à l'original, ce dernier est, à notre avis, enfoui dans un
dossier d'étude de notaire ou peut-être irrémédiablement perdu.
4. - Les témoins du
contrat
L'analyse de ce
document nous a permis de dénombrer la présence de 22 personnes, dont 16
acteurs principaux et de 6 personnes requises pour signer en lieu et place des témoins
ne sachant le faire, formule usuelle que rencontrent à longueur de page les
lecteurs habitués des registres paroissiaux. La présence des témoins est une
condition nécessaire à la validité de l'acte et on compte environ 7 à 9
personnes concernant les contrats de mariage et les testaments . Deux témoins
suffisent dans le cas des autres transactions, telles que: ventes, achats,
donations, etc... On note également
le faible nombre des témoins signataires en dehors des officiers dont les
notaires, clercs et tabellions.Dans le premier acte, sur 7 témoins et officiers
présents, seule Jacquine Keranterff, mère de l'épouse, "..ne sçait
signer". Dans le deuxième acte, sur 8 témoins nous trouvons 4
non-signataires et dans le dernier texte, sur 5 témoins seul Yves Laizet de Maël-Carhaix
ne signe. Il faut, sans aucun doute, faire quelques réserves quant à la valeur
réelle de la non signature, ce qui ne signifie pas un analphabétisme, puisque
les sociologues reconnaissent dans la signature un simple intermédiaire entre
la maîtrise de la lecture et celle de l'écriture(22)- Une seconde approche
dans l'étude de ce texte nous confirme que le contrat de mariage est un acte
essentiellement civil, ce qui étonne bien des observateurs à une époque où
l'emprise de l'Eglise sur les consciences était totale. En effet, aucune référence
au mariage religieux n'est mentionnée, alors que cette famille Guézennec
comptait, à ce moment, plusieurs prêtres en son sein. Mais comme le mentionne
Laurent Aboucaya:(23)
"...Pour être
authentique et donner droit d'hypothèse à l'épouse, il convient pour donner
force au contrat de mariage, qu'il ait été passé et signé avant la célébration
du mariage...."
Épilogue
Deux ans s'écoulèrent
avant le mariage de Jérôme Guézennec et de Mathurine Chevance. Celui-ci eut
lieu à Plussulien en 1666, mais nous ne connaissons ni le jour, ni le mois.
Mathurine Chevance, née vers 1649, avait donc lors de la signature du contrat
entre quinze et seize ans. Elle vécut ainsi auprès de sa mère et de son
beau-père Guillaume Prigent, hôte débitant de vins au bourg de Plussulien.
Aussitôt les noces célébrées, les mariés vinrent vivre à Kerdiriou sous
l'autorité du paterfamilias Jan Guézennec et où naquit le 7 juin 1666 leur
premier enfant, Jacquette. Comme il était d'usage pour le premier enfant, Jan
Guézennec, le grand-père paternel, fut le compère et Jacquine Keranterff, la
grand-mère maternelle, la commère de la cérémonie du baptême ou en d'autres
termes: parrain et marraine. Les relations avec Plussulien ne se relâchèrent
guère, car vingt deux ans plus tard, Jacquette Guézennec épousa en l'église
de Plusquellec le 21 juin 1688, un certain Mathurin Le Tallec, originaire de
Plussulien. Ce fut une grande et belle noce, l'acte de mariage relevé sur le
registre paroissial ne comporte pas moins de quatre prêtres, dont l'oncle
paternel Jacques Guézennec, l'oncle par alliance Pierre Quénec'hdu le Vieil,
curé de Plusquellec, Claude Jaouen et Alain Guillou. Dans les personnages
signataires mentionnons également: Charles de Kerauterm, Yves Connan, Maître
Philippe Guézennnec, notaire et frère aîné de Jérôme, Mathurin le Tallec
et Jacquette Guézennec, les nouveaux épousés. Ce fut ainsi un retour aux
sources, Jacquette Guézennec suivit son mari Mathurin Le Tallec à Plussulien où
leurs descendants furent fort nombreux et parmi ceux-ci le découvreur du
document M. Jean Le Tallec. Mathurine Chevance resta à Plusquellec où elle
mourut à l'âge de cinquante ans, victime avec son mari Jérôme, de la grande
épidémie de choléra en septembre 1699.
Joseph Lohou.
Notes et Glossaire
1-Le couple devant
le notaire.-Gravure sur bois-Monogrammiste Hd.-Strasbourg 1518. Encyclopédie
Universelle, XVI, Collection Marabout Université. Gérard et Co. Verviers,
1962.
2 - J. MEYER. La
documentation notariale en Bretagne. p.38 (Les Actes Notariés.-Source de
l'Histoire Sociale.XVI°-XIX°Siècle.-Actes du colloque de Strasbourg Lib.
Istria. Paris(Mars 1978)
3 -Juridictions Royales
et Seigneuriales d'Ancien Régime.- A.D. Côtes d'Armor- Série B.332.
4 -Expédition ou
grosse: Expédition d'un acte notarié en forme d'original conforme à la minute
( du latin: minuta: écriture menue.)
5-Authorité de
Justice: Terme de Palais.Concours ou jonction de l'autorité d'un tuteur dans un
acte passé par un mineur, faute de quoi l'acte serait invalidé et sans effet.
6-Eschoir,eschera: Hériter,
héritera.
7-Communité: État de
ce qui est commun à plusieurs
8-Assiette, assiettée:
1) Evaluation. 2) Intérêt d'une somme. 3) Répartition.
9-Déçoir sans
hoirs de corps: Rester sans héritier(s).
10-Livres
Thournoises: Monnaie frappée jusqu'au XIII° siècle à Tours, puis monnaie
royale française jusqu'au 17 Frimaire An 2 où elle prit le nom de franc.
(07/12/1793)
11 - M. TOUBLANC-
Le notaire rural- Page 90- Cf. Actes du Colloque de Strasbourg.
12- F. BRAUDEL- Les
structures du quotidien-Chap.7, La monnaie, page.385.-Lib. Colin-1979.
13- K= Qu - K n'est
employé, dans les textes anciens, que pour les mots d'origine grecque. (Littré)
14-Douaire-C'est
la jouissance d'une certaine portion des biens du mari, à la femme qui lui
survit.
"Au coucher, la femme gagne son
douaire"(Coutume de Normandie.)
15-J. MEYER- La
documentation notariale en Bretagne- page.31-Cf. Actes du Colloque de
Strasbourg.
16-Tablier-Etude
de notaire ou de tabellion et également bureau de recette royale.
17-Officier- Titulaire
d'un office ou d'une fonction.
18- A.J. LEMAITRE-Les
testaments bretons-page.280.Cf.Actes du Colloque de Strasbourg
"La capacité de donner est
soigneusement limitée; les restrictions les plus importantes intéressent la
femme mariée qui ne peut tester que sous l'autorité de son mari dont la présence
lors de la rédaction de l'acte est nécessaire à sa validité..."(Coutumes
de Bretagne, articles 215 et 619)
19- Vulgaire est pris
ici dans le sens: "Ce qui appartient à la langue courante, non
scientifique."
20- Plaige- Celui qui
se porte garant; promettre; caution judiciaire "Plaige et caution".
22-Invatoirement- du
latin invitare, inviter.
23-M. TOUBLANC- Le
notaire rural -page.90.-Cf.. Actes du Colloque de Strasbourg.
24-L. ABOUCAYA-Les
pratiques notariales au jugement des écclésiatiques-page.142.Actes du
Colloque de Toulouse.
Notes
bibliographiques
1. Actes du Colloque de
Strasbourg- Notariat-Mars 1978- Librairie Istra.Strasbourg.
2. Actes du Colloque de
Toulouse-Notaires et Sociétés.-Décembre 1989. Presse Universitaire du
Mirail-Toulouse.
3. Archives Départementales
des Côtes d'Armor- St Brieuc.Juridictions Royales et Seigneuriales d'Ancien
Régime.
4. BRAUDEL F.-Les
structures du quotidien-Civilisation matérielle, Économie et Capitalisme
du XV° au XVIII° siècle- Librairie Armand Colin- Paris 1978.
5. CURVE de Ste PALAYE-Glossaire
de la langue française-Editions Favre-1876.
6. Encyclopédie
Universelle- Collection Marabout Université- Gérard et Co.-Verviers 1962.
7. GODEFROY
F.-Dictionnaire de l'ancienne langue française-Librairie des Sciences-Paris
1938.
8. MOUSNIER R.-Institutions
et Sociétés en France du Moyen-Age à la Révolution-Presse Universitaire
de France-Paris 1974.
Note de l'auteur :
1-Ce texte a paru dans
"PAYS d'ARGOAT" - Revue d'Histoire et d'Archéologie des cantons
d'Argoat- ISSN 0753-24906 -N° 21 du 1er semestre 1994. Impr. Henry -Pédernec-
Adresse : Pays d'Argoat-Koad Izelan-22390 BOURBRIAC.
2- Dix ans après ce
texte, Jean Le Tallec, le découvreur du contrat, a fait paraître aux Éditions
des Montagnes Noires, un ouvrage intitulé "Un paysan breton sous Louis
XIV, Mathurin Le Tallec (1663- 1722)". ISBN 2-913953-50-6.