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A
Saint-Brieuc le 12 frimaire an 12
Lettre de Monsieur l’Évêque
de Saint-Brieuc, Jean Baptiste Caffarelli au Citoyen Jean Pierre Boullé, Préfet du département
des Côtes du Nord.
Citoyen Préfet,
Par votre lettre du 16
frimaire qui m’a été remise hier soir, vous vous plaignez de la conduite de
M. Gicquel, Prêtre, desservant de la paroisse de Plusquellec, qui s’est opposé
de ce que le Maire de la commune fit dans l’église, les publications
concernant la circonscription, ainsi que vous le lui aviez ordonné. Je sens
combien un objet aussi important que celui dont il s’agissait demander le
concours de toutes les autorités, et combien il était intéressant que le
Maire de la commune et le Prêtre desservant s’entendissent. Je vais prendre
sur ce fait les renseignements nécessaires, et remontrer à M. Gicquel combien
dans des affaires de cette importance, il doit chercher à servir la chose
publique. Mais je ne puis m’empêcher, Citoyen Préfet, de vous faire des
observations sur l’irrégularité de la conduite qui a été tenue.
Le Conseil d’État dans sa
lettre à Monsieur l’Évêque de Nancy annonce, dites-vous, que les règles
qu’on y trouve n’empêchent pas que dans un cas extraordinaire, le Magistrat
Civil ne puisse prendre telle mesure, prononcer tel discours, ou recourir de
telle précaution qui sera demandé par la circonstance, je crois que vous
faites une fausse application de cet avis du Conseiller d’État : Il a précisé
lui-même dans sa lettre dans quel cas on devait le suivre. Il veut que ce soit
dans un cas extraordinaire, si l’ordre public est menacé. Ces mots ont été
omis dans votre dans votre citation, et si on les avait remarqué, l’on aurait
vu que l’avis du Conseiller d’État ne s’étendait pas à la circonstance
dont il s’agit. Elle n’était point extraordinaire, et l’ordre public n’était
point menacé.
Dans la même lettre, le Conseiller d’État marque comment l’on
devait recourir au ministère des Prêtres, quand on croyait nécessaire de
faire au Prône des Publications relatives à des objets étrangers à la
Religion : il dit expressément que pour que ce recours ne devienne pas
abusif. Le Législateur a voulu qu’il fut provoqué par un ordre précis du
Gouvernement ; C’est la disposition formelle de l’article 53 de la loi
du 18 germinal dernier. Or dans ce cas-ci, il n’est venu aucun ordre des
Consuls, qui seuls sont le Gouvernement. Tout ce que l’on a donc fait, est irrégulier,
et évidemment contraire à cette disposition de la lettre, ainsi qu’à celle
de la loi du 18 germinal.
Le Ministre de l’Intérieur
a approuvé, dites-vous, la mesure que vous aviez prise ; et je le vois évidemment
dans la lettre qu’il vous a écrite. Mais une approbation donnée à une
conduite tenue, n’est point un ordre d’agir ainsi. Le Ministre de l’Intérieur
l’eut-il donné, malgré tout mon respect pour la place qu’il occupe, ma vénération
pour sa personne et mon admiration pour ses connaissances, je n’aurais pu
m’y conformer. Il aurait été contraire à ceux que j’avais reçus du
Conseiller d’État qui seul à le droit de m’en transmettre dans ce qui
concerne le Culte. Quoique que j’eusse désiré que le maire de Plusquellec et
M. Gicquel se fussent concertés, je ne peux cependant trouver que la conduite
de celui-ci soit contraire aux lois.
Quoiqu’il en soit, je vais
lui écrire pour lui ordonner d’engager par ses avis et ses prédications les
jeunes gens à se soumettre à la loi de la conscription.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Jean Baptiste Caffarelli, évêque de St Brieuc.

Sources :
AD22–sérieV
J.Lohou(déc 2004)
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