J. Meyer, La Noblesse Bretonne, p, XIII
Nous sommes surpris de trouver dans cette région reculée de la Cornouaille profonde ce patronyme écossais et quelques éclaircissements s’imposent ; ceux-ci nous transportent dans l’histoire tourmentée de l’Ecosse et de l’Angleterre vers la fin du XV° s. et la Maison des Stuart règne sur l’Ecosse de 1371 à 1714, puis sur toute la Grande-Bretagne à partir de 1603, ceci est à l’origine de la présence de cette famille en Bretagne centrale.
Jacques
1er (1560-1625), fils de Marie Stuart, Reine d’Ecosse, devient
roi à la mort de sa mère en 1567 sous le nom de Jacques VI. Il épouse Anne de
Danemark en 1589 et à la mort d’Elisabeth 1er
réunit les deux couronnes sous le nom de Jacques Ier. Il règne sans
partage et persécute, au nom de l’Anglicanisme, catholiques et puritains. Le
5 novembre 1605, ces derniers veulent se débarrasser de Jacques 1er
en introduisant des barils de poudre dans le Parlement. Le complot, connu
sous le nom de Conspiration des Poudres échoue et Guy Fawkes,
instigateur du complot, est arrêté et exécuté à Londres le 31 janvier 1606.
Les Jésuites sont chassés du royaume et entraînent dans leur exil un certain
nombre de catholiques compromis dans cette conspiration, dont un certain Roland
Floyd qui trouve refuge en Bretagne centrale. Il arrive à Plougonver vers 1607
ou 1608 où existe au village de Traou Breuder une petite colonie d’Irlandais
ou d’hybernois[2]
, arrivée sans doute après le traité de paix de Mellifont, entre les
Anglais et la coalition irlando-espagnole.
Mauricette épouse un notaire
Bertrand Hamon, puis Claude Couffon
Louise, M° Nicolas Bosquet de Maël-Pestivien,
de loin la descendance
Anne,
un avocat de Botmel, M° Claude Manuvoye,
Jeanne
ou Anne, M° René Malescot, puis Gaston de Minot.
Eléonore,
M° Guillaume Le Guyader, sieur de Kernormand
Catherine, célibataire qui
décède à Plougonver en 1721.
Raymond
(° Plougonver 1678), sans postérité connue.
Julien,
puîné, (° Plougonver 1682), Docteur en Sorbonne,
René
et Marguerite Angélique (° Plougonver 1681), décédés
jeunes.
Marie Charlotte, religieuse aux Ursulines de Lannion.
Julien
Guillaume, sieur de Rosneven, épouse Anne de la Noé, fille d’écuyer Claude
de la Noé et d’Anne Boullaye, originaire de Plourhan. De cette union,
naissent un garçon et trois filles :
Guillaume François (°1704 Pestivien) dont postérité.
Jeanne Joseph(°1710 Pestivien) x Jean Kermen, sr de Kergaër
Marie Charlotte (° 1713 Pestivien )
Julienne (° 1713 Pestivien) x Gabriel Pastol
Guillaume François épouse en 1729 à Pestivien Françoise Norbertine du Garspern de Saint-Fiacre dont il aura deux garçons et trois filles.
Joseph
Julien(° 1730 Pestivien)
Charlotte
Thérèse(° 1732 Pestivien)
Marie Louise (° 1735 Pestivien), religieuse.
Marie
Jeanne (°1737 Pestivien)
Armand
Charles (°1745 Pestivien)
Anne
Françoise Marie(° 1750 Pestivien) x 26.06.1774 Pierre de Keranflech[3]
Guillaume René Armand (° 07.05.1733 Pestivien), qui suit :
Guillaume
René Armand naît donc au manoir de Rosneven le 7 mai 1733, entouré de
ses frères et sœurs. Il est confié à son oncle Julien, recteur de Louargat où
il s’initie à la lecture du latin et du français, aux explications de la
Bible et à la tenue du Rituel. Sa tante Marie Charlotte est religieuse au
couvent des Ursulines de Lannion, c’est donc une enfance studieuse et réglée,
bien dans la tradition des familles de petite noblesse bretonne que passe
Guillaume à Pestivien. Vers 1742, il rejoint le collège de
Plouguernével et quatre ans après le collège de Quimper. Dans ce collège,
après quatre années d’études normales, il suit deux ans durant les cours de
philosophie et un an ceux de théologie.
Il est alors prêt pour son entrée au grand séminaire où il reçoit,
d’abord les ordres mineurs puis le sous diaconat. Ces marches successives sont
suivies d’un temps de réflexion de plusieurs mois à un an. Il fournit alors
le titre clérical qui est pratiquement une sorte de rente viagère hypothéquée
sur les biens des parents ; “ pas de titre, pas de clerc ;
pas de diaconat, pas de prêtrise ”[4]
. Il est ordonné prêtre en 1753 par Auguste François Annibal de Farcy de
Cuille, évêque de Cornouaille.
Cinq
ans après, en 1758, Guillaume reçoit la charge de la petite paroisse de Quéménéven,
proche de Plogonnec, il vient d’avoir 25 ans et c’est le privilège de la
noblesse d’être à cet âge nommé
recteur. Il se sent à l’étroit dans cette paroisse éloignée et trois ans
plus tard il rejoint la paroisse de Scaër, un gros bourg d’une région plus
riche où il reste 14 années durant.
Mais
le mal du pays le prend et il ne rêve
que de retourner dans son Argoat natal, son évêque le nomme à Plusquellec en
1775, où il succède à Joseph Louis Heussaf d’Oixant, docteur en Sorbonne,
il a 42 ans. Sa nouvelle paroisse, Plusquellec, compte environ 3000 âmes et
comprend deux trêves, Calanhel et Botmel avec, pour cette dernière une
particularité remarquable dans l’existence d’une petite ville, Callac où
s’érigeait naguère le château des Seigneurs de Plusquellec et dans laquelle
se tient chaque semaine un marché hebdomadaire le mercredi. Callac est le
centre névralgique et économique de sa paroisse.
Rosneven en Pestivien
Le château du
Cludon se trouve à 1,5 km de Rosneven et Traou Breuder à 600m
de l’autre côté du ruisseau du même nom, affluent du Léguer mais dans la paroisse de Plougonver, à la limite de la ligne de séparation des eaux entre Manche et Océan.
Sa
sœur Anne Françoise est mariée depuis un an avec Pierre Alexandre de
Keranflech et habite la ville de
Callac. Son frère Armand Charles, militaire blessé à Carillon au Canada en
1758 pendant la guerre de Sept Ans(1756-1763), est revenu du Canada après le
traité de Paris en 1763, il réside au manoir de Rosneven.
Ses
relations avec Toussaint François Joseph Conen de St Luc, évêque de
Cornouaille à Quimper deviennent de plus en plus étroites et ces contacts
portent enfin leurs fruits. Guillaume René est désigné comme député du
second ordre à l’Assemblée Provinciale de Rennes en 1787. Il semble acquis
aux idées nouvelles et adhère à ce qui fut appelé “ l’insurrection
des curés ” de 1788-1789 ” dans laquelle le clergé de province
joua un rôle décisif en s’alliant au Tiers Etat lors de la séance du Jeu de
Paume. Ils réclament une forte augmentation de la “ portion congrue[5] ”
et une réduction important des hauts revenus ecclésiastiques. Puis en 1789, le
voici vicaire général de Quimper, c’est déjà un personnage connu et apprécié
en dehors de sa paroisse mais peu auprès de ses paroissiens qui font plus
confiance aux prêtres du cru,
surtout que depuis le début des années 1780, le recteur est pris d’une frénésie
d’achats en tout genre, terres, maisons et bestiaux, etc…
En
septembre 1787, il achète les terres de Treusvern en Plougonver, à Catherine
Gabrielle de Keranflech, sa belle-sœur, fille
de Charles Hercule de Keranflech et Marguerite Perrine du Leslay, et épouse de
Pierre Joseph Le Métayer de Méréac en Uzel..
En
fin de compte, Plusquellec, Calanhel et Botmel estiment qu’il est plus facile
d’élire une municipalité dans chaque commune, ce qui se réalise non sans
mal à Botmel où deux municipalités se font face, l’une de Callac conduite
par le notaire Joseph Even et l’autre par Pierre Joseph Fercoq, avocat au
Parlement et parent de Guillaume par les Bosquet, deux personnages déterminés
et dotés de caractères affirmés.
Le
28 mars 1790, Guillaume René a la douleur de perdre sa mère Françoise
Norbertine du Garspern qu’il affectionnait tant et qui l’avait accompagné
et guidé durant ses premières années vers la prêtrise.
Au
mois de novembre 1790, Guillaume René Armand, vicaire capitulaire insermenté
est obligé sous la contrainte de quitter le presbytère de Plusquellec avec ses
deux sœurs Charlotte Thérèse et Marie Louise pour le manoir de Rosneven à
Pestivien où toute la famille se trouve rassemblée.
Dans
les anecdotes citées voici ce qu’il en dit :
“ Je
ne vous le donne point comme authentique mais
seulement comme vraisemblable ;
Aussitôt après son départ de Plusquellec, le presbytère reçoit le 23 mars 1792, la visite du Commissaire Jean Marie Le Pollotec de Rostrenen en charge de vérifier et de mettre sous séquestre tous les biens des émigrés. Le presbytère n'est occupé que par Marie Jeanne Floyd, la soeur du recteur, âgée de 55 ans et vraisemblablement religieuse en rupture de couvent. Elle tient tête au commissaire Jean-Marie Le Pollotec et malgré son opposition l'inventaire se déroule sans trop de heurt. (Voir le compte rendu de la visite)
|
Nous
avons, par ce passeport, un portrait fidèle de Guillaume ; sa taille
est de 5 pieds, 4 pouces et 4 lignes, soit 1, 64m, il a les sourcils
noirs, les yeux ronds et noirs, un nez long marqué de petite vérole, une
bouche de grandeur honnête, un menton rond et un teint un peu rouge. |
|
Ce
viatique en poche, il prend aussitôt la direction de St Malo qu’il atteint le
1er mars 1792. Le 2 avril suivant M. Bernard Trétouard, maire de St
Malo, lui délivre un certificat de
séjour et atteste que M. Guillaume Floyd réside rue de la Fosse dans la maison
de Monsieur de Coudray
Son
but est maintenant de quitter la France pour Jersey et il n’est pas le seul
dans ce cas, les rues de St Malo sont plein de personnages
aux allures de clergymen en quête d’un embarquement.
Le
1er mai 1802, Bonaparte nomme évêque à St Brieuc Jean Baptiste
Marie de Caffarelli du Faya, originaire du Languedoc et ami proche de sa
famille. Ce dernier entreprend de réorganiser l’Eglise dans le département
en 1803 et Guillaume, nommé vicaire général de la cathédrale et chanoine
honoraire. Guillaume fait intervenir ses relations et le 18 Ventose de l’An 13
(9 mars 1805) il est éliminé de la liste des émigrés et retrouve la
totalités de ses biens qui sont importants.
Il
participe activement à la réorganisation de l’église, en collaboration avec
un illustre personnage, Jean Marie Robert de Lamennais,
de 1803 à 1821. En 1818, l’évêque Caffarelli décède à l’âge de
52 ans, ayant souvent été en conflit avec
le préfet Jean Pierre Boullé. C’est Mathias Le Groing de la Romagère,
un personnage hors du commun par son étrange comportement qui succède à
Caffarelli de 1819 à 1841.
Plainte contre le recteur de Plusquellec par Jean Marie BOSQUET, agent municipal en 1791.
Registres Paroissiaux et relevés CG22.
AD44-Séries A et B.
Bibliothèque Municipale de St Brieuc-BRM620.
Société d’Émulation des CDN-1985
CARAN- Base Léonore.
Evêché de Saint-Brieuc
Joseph Lohou
[1] Termes de Blason : Argent : blanc- Sable : noir
[2] Hybernois, habitant de l’Hybernie, ancien nom de l’Irlande
[3] Chouan notoire, surnommé “ la Douceur ”
[4]
BERTHELOT Du CHESNAY Charles-Les prêtres séculiers au
XVIII° s.- Institut Armoricain de Recherches Historiques.
[5] Portion congrue, revenu insuffisant,
[6] Les élections de Callac en 1790- article paru dans “ Pays d’Argoat ”-n°35- 2/2001-J.Lohou
[7] Les Guiot, une famille de Notables Callacois(article en préparation-J.Lohou)
[8] Cahier du Poher-Marie Guézennec- N°5- octobre 2000.
Article paru dans la revue "Pays d'Argoat" - n° 35- 2/2001.